Qu’est-ce que le glaucome ?

Le glaucome chronique à angle ouvert, encore appelé glaucome primitif à angle ouvert, est une maladie fréquente, touchant principalement la population de plus de 40 ans. Huit cent mille patients sont suivis en France pour un glaucome, et compte tenu des cas non dépistés on estime que le nombre de glaucomateux avoisine 1 million de personnes. Il constitue la seconde cause de cécité dans les pays développés (après la dégénérescence maculaire liée à l’âge). Le glaucome chronique est caractérisé par une destruction progressive du nerf optique sous l’influence de plusieurs facteurs de risque dont le plus fréquent est l’hypertonie oculaire.

Altération du champ visuel secondaire à un glaucome

Les trois signes principaux de la maladie sont :

  • l’élévation pathologique de la pression intraoculaire (PIO),
  • l’élargissement de l’excavation de la papille (dépression caractéristique de l’extrémité du nerf optique) par destruction des fibres nerveuses qui le composent,
  • les altérations du champ visuel, dont la sévérité est parallèle à l’atteinte du nerf optique.

Cette définition n’est que partiellement exacte, l’hypertonie oculaire pouvant être passagère ou absente du tableau clinique, tout comme l’est parfois l’atteinte périmétrique à un stade de début de la maladie.

Même s’il existe de nombreux facteurs de risque de la maladie glaucomateuse, le principal facteur de risque est l’hypertonie oculaire qui est retrouvée dans la plupart des glaucomes. L’hypertonie oculaire est définie par une PIO supérieure à 21 mm Hg, la moyenne étant de 16 mm Hg dans la population normale ; dans l’hypertonie oculaire isolée la papille et le champ visuel sont normaux. Il n’existe pas de chiffre de PIO aboutissant systématiquement à un glaucome chronique : il y a environ 10 fois plus de sujets atteints d’hypertonie oculaire non compliquée que de glaucome. Même si la majorité des glaucomes s’accompagnent d’une hypertonie, l’hypertonie oculaire n’est donc pas synonyme de glaucome. En effet, 

  1. toutes les hypertonies oculaires n’entraînent pas un glaucome.
  2. il existe des formes cliniques de glaucome primitif à angle ouvert où la PIO se situe dans les limites de la normale (on parle de «glaucome à pression normale»). Le glaucome chronique à angle ouvert ne doit pas être confondu avec le glaucome aigu par fermeture de l’angle, beaucoup plus rare, et dont la physiopathologie, la présentation clinique, la thérapeutique ou le pronostic sont différents. De même, les glaucomes « secondaires » sont très différents, essentiellement dans leurs étiologies (traumatique, inflammatoire, néovasculaire ou congénitale) et dans leur prise en charge thérapeutique.

Qu’elle est sa physiopathologie ?

  • Le glaucome chronique à angle ouvert est une neuropathie optique progressive, chronique et asymptomatique avec altération caractéristique du champ visuel et atrophie du nerf optique d’aspect particulier. Il est le plus souvent mais non systématiquement associé à une hypertonie oculaire.
  • Pourquoi et comment se font les lésions des fibres optiques au niveau de la papille ? Autrement dit, pourquoi et comment se développent l’excavation glaucomateuse et les déficits du champ visuel ?

Deux hypothèses principales sont proposées :

  • d’une part, la théorie mécanique, qui explique l’excavation papillaire par une compression de la tête du nerf optique sous l’effet de l’hypertonie oculaire,
  • d’autre part, la théorie ischémique, qui l’explique par une insuffisance circulatoire au niveau des capillaires sanguins de la tête du nerf optique (par hypoperfusion papillaire chronique ou spasmes vasculaires transitoires) ; dans l’hypothèse ischémique existent probablement des phénomènes d’apoptose cellulaire conduisant à la destruction des fibres visuelles. L’hypertonie oculaire apparaît comme un facteur important dans les deux cas.

Dans le glaucome chronique, l’élévation de la PIO est liée à une dégénérescence progressive du trabéculum qui n’assure plus ses fonctions normales d’écoulement de l’humeur aqueuse ; l’hypertonie

oculaire procède d’un mécanisme tout à fait différent de celui mis en jeu dans le glaucome par fermeture de l’angle (où l’élévation de la PIO est due à un blocage mécanique de l’évacuation de l’humeur aqueuse par l’iris).


Les différentes formes cliniques

A) La survenue d’un glaucome chronique est favorisée par l’existence de plusieurs facteurs de risque, mais l’hypertonie oculaire demeure le principal facteur causal de la maladie. D’autres facteurs de risque sont identifiés :

  • antécédents familiaux d’hypertonie oculaire ou de glaucome : environ 30 % des glaucomes ont un caractère héréditaire ; dans 20% des cas environ, il est possible de mettre en évidence une transmission autosomale dominante, mais cependant avec une pénétrance variable.
  • âge : l’incidence du glaucome augmente avec l’âge à partir de 40, en particulier après 70 ans.
  • facteurs cardiovasculaires, notamment hypotension artérielle (qu’elle soit iatrogène, nocturne ou orthostatique) et diabète.
  • ethnie noire
  • myopie

B) Il existe d’autres formes cliniques pouvant être rapprochées du glaucome chronique à angle ouvert, car leur symptomatologie et leur évolution sont relativement similaires ; les plus importantes sont : 

  • le glaucome à pression normale : la PIO est normale durant tout le nycthémère, et l’atteinte est liée à des troubles circulatoires au niveau de la tête du nerf optique ; le diagnostic repose sur les autres signes cliniques : excavation papillaire et altérations du champ visuel.
  • le glaucome du myope fort : de diagnostic difficile du fait des modifications de la papille et du champ visuel chez le sujet myope.
  • le glaucome juvénile : survenant avant 40 ans, d’évolution souvent rapide et sévère. Il présente un caractère héréditaire marqué (dont un des gènes responsables a récemment été localisé sur le chromosome 1).
  • le glaucome cortisonique : il s’agit d’un glaucome secondaire, dû à l’instillation répétée d’un collyre à base de cortisone ou à un traitement à doses importantes de corticoïdes par voie générale; l’hypertonie oculaire régresse généralement mais inconstamment après arrêt des corticoïdes : la prescription prolongée de corticoïdes locaux et généraux nécessite ainsi une surveillance ophtalmologique régulière avec mesure de la PIO et examen de la papille.

Comment fait-on le diagnostic ?

Dépistage

Le glaucome est un problème majeur de Santé Publique, nécessitant un dépistage systématique dans la population de plus de 40 ans. Ce dépistage s’appuie sur la mesure de la PIO et l’examen de la papille au fond d’œil. Au moindre doute, l’enregistrement du champ visuel par périmétrie doit être réalisé.

Circonstances de diagnostic 

Les particularités de la maladie glaucomateuse sont sa survenue insidieuse et son caractère asymptomatique pendant la majeure partie de son évolution. Le diagnostic d’un glaucome s’effectue souvent lors d’un examen systématique motivé pour une prescription de lunettes de près pour la presbytie.

Il est important d’expliquer au patient le caractère lentement évolutif de la maladie et la nécessité de poursuivre la thérapeutique médicale même s’il ne se sent pas – ou peu – gêné par l’atteinte du champ visuel. A un stade évolué de la maladie, la survenue puis la coalescence des scotomes aboutit à une atteinte périmétrique importante et donc à une gêne fonctionnelle, même si l’acuité visuelle peut être préservée jusqu’à un stade très évolué (vision tubulaire par «agonie du champ visuel», donnant «10/10èmes avec une canne blanche»).

Lorsque la PIO est très élevée (> 30 mm Hg), le patient peut ressentir un brouillard visuel intermittent ou la perception de halos colorés autour des lumières (en relation avec l’œdème cornéen) ainsi que des douleurs oculaires ou péri-orbitaires. Ces signes fonctionnels sont cependant peu fréquents et rarement à l’origine du diagnostic de la maladie. Une complication aiguë comme une occlusion de la veine centrale de la rétine peut révéler le glaucome.

Diagnostic

1. L’examen ophtalmologique retrouve :

  • une acuité visuelle conservée, pouvant diminuer au stade tardif de la maladie ou en cas de pathologie oculaire associée (exemple : cataracte chez une personne âgée),
  • un œil calme et blanc, non douloureux,
  • une chambre antérieure profonde, une pupille normalement réactive (sauf à un stade très évolué où le réflexe pupillaire est diminué),
  • une PIO mesurée au tonomètre à aplanation de Goldmann ou au tonomètre à air pulsé généralement élevée (> 21 mm Hg), mais parfois normale (glaucome à pression normale). Il est souvent nécessaire de réaliser également glaucome chronique l’épaisseur cornéenne. En effet, les cornées minces ou au contraire les cornées épaisses modifient artificiellement  les chiffres de PIO à l’examen.
  • un angle irido-cornéen ouvert en gonioscopie
  • une papille excavée, c’est-à-dire creusée en son centre par raréfaction progressive des fibres nerveuses qui forment le nerf optique : cette excavation pathologique s’apprécie en mesurant le «rapport cup-disc» (rapport entre la surface de l’excavation et la surface de la papille) ; il existe normalement une excavation physiologique avec un rapport cup-disc d’environ 0,3 : on observe au cours du glaucome une augmentation progressive de l’excavation papillaire et du rapport cup-disc.

2. La mesure de l’épaisseur des fibres optiques au niveau de la papille par différentes méthodes comme l’OCT permettent d’objectiver une atteinte glaucomateuse très précocement, avant les altérations du champ visuel.

3. Le bilan fonctionnel est essentiel pour estimer la gravité du glaucome chronique et adapter la stratégie thérapeutique. Il consiste essentiellement en l’enregistrement du champ visuel par périmétrie:

  • soit périmétrie cinétique au périmètre de Goldmann,
  • soit, mieux, par périmétrie statique automatisée. La périmétrie statique est beaucoup plus sensible que la périmétrie de Goldmann, qui n’est actuellement réservée qu’aux cas où la vision centrale est faible ou la coopération du patient insuffisante. L’altération du champ visuel est principalement marquée par l’apparition de scotomes dont la topographie et la forme sont parfois évocatrices :
    • scotome arciforme de Bjerrum, partant de la tache aveugle et contournant le point de fixation central,
    • ressaut nasal, créé par le décalage dans l’atteinte des fibres optiques au-dessus et en dessous de l’horizontale, se traduisant par un ressaut à la limite du champ visuel nasal, au niveau du méridien horizontal, En l’absence de traitement, le glaucome évolue vers une dégradation progressive et irréversible du champ visuel, celui-ci étant réduit à un simple croissant temporal et à un ilot central de vision. À partir de ce stade, l’acuité visuelle centrale diminue rapidement, la gêne fonctionnelle est majeure et la papille très excavée.